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Ex-voto (politiques)

Série en cours

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Ineffaçable



2024
huile sur panneau de bois

48 × 59 cm

 

 

Quand j’ai commencé à peindre ma série d’ex-voto — une série de peintures sur le désastre, la survie et la gratitude (dans différents sens), j’ai pensé naturellement à l’histoire de Navalny : empoisonné par le FSB, il a survécu miraculeusement grâce à l’atterrissage en urgence de l’avion et l’intervention des secours. Mais je n’ai jamais peint cette peinture parce que Navalny était toujours en prison ; si j’avais seulement peint l’histoire de son empoisonnement et de comment il avait survécu, cela aurait semblé frivole — bien que l’humour noir ait toujours été son arme de combat. Après le 16 février 2024, il m’était encore plus impossible de peindre cette peinture. J’en ai donc peint une autre. Les deux travailleurs essayant de recouvrir le mur de peinture sont tirés d’une photo publiée dans un journal de la peinture murale représentant Navalny à Saint Petersbourg en train d’être recouverte il y a trois ans. Dans ma peinture, j’ai peint les portraits émaciés de Navalny d’après ses photos d’identité judiciaires prises en prison ; seulement cette fois ses images ne peuvent être effacées. Navalny avait publié ces photos sur les réseaux sociaux via son avocat, avec l’analyse psychologique faite sur lui par les médecins en prison: « Désinhibé, libre dans l'affirmation de soi, s'efforce d'obtenir l'indépendance, sait comment ajuster son comportement en fonction des changements dans les circonstances extérieures, s'attend à un soutien et à un patronage, à l'attention, a besoin d'aide, il est naturel, parce qu'il ne peut pas mettre en œuvre ses plans mondiaux seul, il a besoin des masses, et afin d'attirer les gens à ses côtés pour les convaincre d'aller à l'objectif chéri, il doit leur parler, communiquer, être compréhensible et sincère” » (traduction automatique)

Le texte en russe est tiré d’une note que Navalny avait montrée au public derrière le mur de verre de la cage dans la salle d’audience à un procès : « Je n’ai pas peur. Et vous non plus n’ayez pas peur. » (J’ai essayé d’imiter son écriture) La note sur le poteau est empruntée à l’observation d’une de mes amies à Berlin : lors d’un rassemblement commémoratif, parmi l’océan de fleurs il y avait une feuille de papier sur laquelle étaient imprimés ces mots en anglais : « Alexeï, nous ne t’avons pas mérité ! » Ma série d’ex-voto s’intéresse à la notion de gratitude, et s’excuser contient parfois la plus profonde sensation de gratitude.

L’église derrière les hauts murs et les barbelés est l’église « Mère de Dieu apaise mes peines » où la cérémonie de funérailles de Navalny s’est tenue. Les deux avions dans le ciel symbolisent les deux vols les plus importants dans la vie de Navalny : le S72614 qui l’a tiré des mains de la mort le 20 août 2020, et le DP936 qu’il a pris à Berlin pour rentrer à Moscou le 17 janvier 2021 peu de temps après son rétablissement préliminaire.

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Marc Boulet trouvant refuge chez Mehmet à Makit



2024
huile sur panneau de bois avec cadre

48 × 59 cm

 

 

En 1985, un jeune Français nommé Marc Boulet arrive à Kashgar dans le Xinjiang. Il se fait passer pour un Ouïghour, faisant semblant d’être sourd et muet, puis voyage vers le comté isolé de Makit qui était alors interdit aux étrangers pour faire une recherche sur la production locale du haschisch. À son arrivée, ne connaissant personne et n’ayant nulle part où aller, il demande de l’aide à un paysan nommé Mehmet qu’il vient de rencontrer, et Mehmet lui propose de loger chez lui. Les jours suivants, Mehmet montre à Marc Boulet tout le processus de la fabrication du haschisch. A Makit, les gens roulent le haschisch avec le papier du journal officiel du Parti communiste chinois Le Quotidien du peuple — « C’est notre façon de consommer Le Quotidien du peuple ! dit Mehmet. Selon lui, l’encre du Quotidien du peuple renforçe l’effet du haschisch.

À son retour à Pékin, Marc Boulet a continué à se faire passer pour une personne du Xinjiang, cette fois un Chinois kazakh, et a fait l’expérience de la vie terre à terre des Chinois ordinaires. Il a écrit un livre plus tard sur son expérience intitulé Dans la peau d’un Chinois.

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Slaughter (abattage)

(Peinture pascale)


 
2023
huile sur panneau de bois
36 × 31 cm

 


En décembre 2022, la suppression soudaine et non préparée des restrictions anti-Covid en Chine a causé un grand nombre d’infections et de morts. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont publié l’emoji 🐏 pour sous-entendre qu’ils étaient positifs au Covid car le caractère 羊 (mouton/chèvre) a la même prononciation que 阳 (positif). Cet étrange phénomène donnait l’impression d’un univers parallèle, comme la Zone dans Stalker de Tarkovski. La représentation des personnes vêtues de combinaisons de protection remplaçant les personnages de l’affiche originale du film Stalker intensifie encore l’atmosphère de science-fiction. Pendant cette période d’insécurité et de peur extrêmes, des publications de trolls sur internet exclamant «-Merci à l’Etat de nous avoir protégés pendant trois ans » sont devenues virales. J’ai cité cette phrase dans la peinture sous la forme d’une bannière de propagande rouge.

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Chant sépulcral


2024
huile sur panneau avec cadre

37 × 47 cm

 

 

Deux jours après Noël 2019, alors que je me promenais dans le Cimetière du Montparnasse, j’ai entendu un chant au loin. Suivant la voix, j’ai vu un homme portant un keffieh devant une simple tombe. Lorsque je me suis rapproché, j’ai pu voir une croix et le prénom « Jacques » sur la tombe, et je me suis dit : « Donc il ne chante pas pour un musulman. » Puis, j’ai fait quelques pas de côté et j’ai vu le nom complet avec surprise : c’était la tombe de Jacques Chirac. L’homme s’est tenu là et a chanté pendant un long moment. Une telle scène m’a touché. Vingt minutes plus tard environ, je suis sorti du cimetière et je l’ai revu par hasard : il venait de quitter le cimetière par une autre porte et essayait de se faire prendre en stop.

Je pense toujours à cet homme musulman après toutes ces années. Est-il palestinien ? Ou iraquien ? A-t-il chanté par gratitude envers le soutien de Chirac à la Palestine, ou par gratitude envers son opposition à l’invasion de l’Iraq par les Etats-Unis ?

Des pommes avaient été placées sur la tombe de Chirac — la promotion des pommes de l’ancien président est devenu un mème national. J’ai donc essayé de faire un portrait arcimboldesque de Mr Chirac avec un tas de pommes.

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Ahmed Tobasi saluant le public après son one-man-show « And Here I Am »

 
2024
acrylique sur panneaus en bois avec cadre

54 × 37 cm

 

 

Le spectacle solo « And Here I Am » d’Ahmed Tobasi (directeur artistique du Freedom Theatre) est tiré de sa propre expérience. Né dans le camp de réfugiés de Jénine en Palestine pendant la première intifada et témoin de l’invasion impitoyable et de la destruction au bulldozer de Jénine, il rejoint la résistance armée à l’âge de 15 ans et devient prisonnier politique à 17 ans. À sa libération après 4 ans en prison, il rejoint le Freedom Théâtre, puis s’exile en Norvège où il travaille et se forme en tant qu’acteur et metteur en scène. Il prend finalement la décision de retourner à Jénine pour jouer pour son peuple dans le camp de réfugiés. En utilisant l’art comme arme de résistance, il rappelle aussi au public : « Nous ne vivons pas une vie normale, et ce n’est pas notre destin de continuer ainsi. » Début 2024, le Freedom Theatre a été nominé pour le Prix Nobel de la Paix.

J’ai eu la chance d’assister deux fois au spectacle en France, la première fois dans une petite salle noire aux Subsistances pendant le Festival Sens Interdits à Lyon. Ça a été une forte expérience théâtrale qui m’a, de manière imprévue, fait verser des larmes. Une fois le spectacle terminé, le public a donné une standing ovation ; tout le monde était touché par le spectacle, par son humour et sa réflexion, et tout le monde semblait se sentir lié et uni par la noirceur de la salle. La dernière ligne du sous-titrage « Allez, on commence ! » projetée sur l’écran au-dessus de la scène perdurait obstinément. Après avoir salué le public plusieurs fois, Tobasi a dit : « Nous croyons tous que cette planète mérite mieux que ce qu’il se passe actuellement. Nous croyons qu’il faut se battre, pas seulement pour la Palestine, ou pour l’Europe, ou pour les noms, ou pour les couleurs, ou pour les drapeaux, ou pour les frontières, nous devons nous battre pour notre planète, pour l’environnement, pour l’humanité. Je crois que chaque enfant dans le monde a le droit de grandir normalement… »

Dans ma peinture, l’image entre la scène et le cadre incurvé représente le paysage de la vieille ville de Jénine.


 
Herzog renconte Gorbatchev

2022
huile sur panneau de bois

30 × 40 cm

 

 

Après avoir entendu l’annonce de la mort de Gorbatchev, j’ai pensé au documentaire touchant que Werner Herzog a fait sur lui il y a quelques années. Dans ma peinture, le texte russe à côté du portrait mural fictif de Gorbatchev sur le Mur de Berlin sont des lignes du poème de Mikhail Lermontov « Je m'en vais seul sur le chemin pierreux » que Gorbatchev récite dans le film de Herzog.

     Je n'attends rien de l'existence brève —
    et du passé, nul regret, nul désir.
    La liberté, la paix sont mes seuls rêves, —
    je ne voudrais qu'oublier et dormir...
 
    Non du sommeil de la chair froide et morte...
    Mais je voudrais, conscient à demi,
    à tout jamais dormir de telle sorte
    que dans mon sein la vie encor frémît ;

 

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滇北山行图.jpg


 
La Carte

 
2023
acrylique sur panneau avec cadre

47,5 × 37,5 cm

 

 

Durant l’été 2009, j’ai marché dans le Yunnan avec une jeune femme française que je venais de rencontrer, et nous avons décidé de faire une randonnée improvisée sans préparation dans les montagnes profondes. Avant de commencer notre chemin, un villageois nous a dessiné une carte après avoir essayé de nous convaincre d’abandonner notre idée, sachant que nous n’avions ni boussole ni GPS. Son écriture était belle mais sa carte s’est avérée totalement inutile ; il s’agissait juste de quelques lignes illisibles avec des points marquant les lieux où se trouvaient des membres de sa famille ou des amis. Nous nous sommes perdus pendant toute notre marche mais nous avons miraculeusement trouvé notre route à travers les montagnes (certaines hautes de plus de 4000 mètres d’altitude) et nous avons atteint notre destination. La carte ne nous a pas été utile et nous n’avons rencontré aucune des personnes qui y étaient mentionnées, mais elle a été pour nous comme une sorte de bénédiction et nous a donné confiance tout le long de notre marche. Plus tard, nous avons réalisé que nous aurions pu y rencontrer des ours et des loups. Après un tel voyage, nous savions que nos vies étaient en quelque sorte reliées. Trois ans après, nous nous sommes mariés.

Nous avons toujours gardé la carte. Dans cette peinture, je l’ai copiée précisément et j’ai peint une autre carte dans le style ancien chinois indiquant nos rencontres durant ce voyage. De bas en haut en sens inverse des aiguilles d’une montre : départ le long du fleuve — camping dans un petit bois — l’éclipse — sauvés par deux bergers et leurs moutons — perdus dans la forêt de bambou — les arbres coupés par les bûcherons — sauvés par des villageois tibétains transportant des troncs d’arbres sur leur tracteur.

Hailstorm of Toads.jpg


 
Averse de crapauds, huile sur toile

 
2024
huile sur pa
nneau de bois avec cadre

30,5 × 40,5 cm

 

 

Le 10 juin 2008, Lijiang a accueilli le relais de la flamme olympique. Ce jour-là, à une douzaine de kilomètres de la ville, au-dessus des villages de Lashihai, d’épais cumulonimbus se sont accumulés dans le ciel, signe avant-coureur qu’une grosse averse de grêle allait s’abattre. Le comité du village l’a signalé aux autorités, demandant l’autorisation d’utiliser un canon anti-grêle pour dégager le ciel. Mais leur demande n’a pas été acceptée car des officiels du gouvernement devaient rejoindre Lijiang en avion pour regarder le relais de la flamme, « ils ont eu peur que le canon abatte l’avion des officiels », selon l’expression des villageois (en argot chinois, « abattre un avion » signifie se branler). L’averse de grêle est donc tombée comme on s’y attendait et a ravagé toutes les cultures et les fruits dans les champs.

Katalog, le duo artistique américain (Duskin Drum & Sarah Lewison) qui était en résidence à Lijiang Studio à ce moment-là a répondu à l’incident. Duskin a peint un canon sur le mur de la cour du studio, tirant une chaîne de caractères chinois qui disent : « Où la nature commence-t-elle et où finit-elle ? Vivre avec la nature dans le passé et dans le présent sont déjà deux choses différentes. Que voudra dire vivre avec la nature dans le futur ? » C’était la saison des pluies et les cris des crapauds se faisaient entendre partout. La religion dongba (croyance traditionnelle de la minorité ethnique locale Naxi) voue un culte totémique aux grenouilles, et le duo Katalog a eu l’idée de reconstituer la désastreuse averse de grêle avec des crapauds —  une référence à la « pluie de grenouilles » mentionnée dans la Bible. Ils ont affiché un poster annonçant l’achat de crapauds : 1 yuan (environ 0.15 $) pour 10 crapauds. Tous les enfants du village (avec quelques adultes) sont partis à la chasse aux crapauds, et en une demi-journée plus de 500 crapauds ont été apportés au studio. Les crapauds ont été ensuite jetés par les fenêtres à l’étage, retombant dans la cour. Avant la performance, Duskin a montré passionnément aux crapauds comment jouer, leur expliquant comment un acteur doit se préparer pour son rôle : imaginer la sensation d’être un grêlon et la sensation de tomber du ciel.

 

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